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Shanlung et le chuchoteur de TSAOLING (traduction)

Démarré par kétile, 05 Mars 2012 à 22:18:51

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kétile

SHANLUNG ET LE CHUCHOTEUR DE TSAOLING


C'est l'histoire de la rencontre de Shanlung avec M. LIN.
Celui-ci vit à TSAOLING, dans les montagnes de Taïwan.
Pour Shanlung, c'est cet homme qui lui a permis d'ouvrir son troisième œil afin de mieux comprendre les oiseaux et les animaux en général.
Il dit de lui qu'il est un "chuchoteur à l'oreille des oiseaux".


Novembre 2003

"Je voudrais vous parler d'un homme que j'ai rencontré le week-end dernier à TSAOLING.
C'est un "chuchoteur à l'oreille des oiseaux".

Laissez moi vous parler de TSAOLING. Cela faisait longtemps que je voulais y aller. En fait, j'avais essayé au moins six fois de m'y rendre.
C'est à environ 60 km de CHIAYI, l'endroit où je vivais à Taïwan.
Sur la carte,cela ne semblait pas bien loin.
J'avais lu quelque part que TSAOLING était une montagne fascinante culminant à 980m. Si l'on considère qu'il existe plein d'endroits beaucoup plus hauts, ces 980m me paraissaient relativement accessibles.
Seulement, chaque fois que nous avions voulu nous y rendre avec Joy et Tink, nous traversions des endroits tellement incroyables que nous nous arrêtions sans cesse sur la route et n'étions donc jamais arrivés à destination.

Ce jour là, Joy était partie en Angleterre et je décidai de prendre la moto et de m'y rendre avec Tink.
Sur la route je passai encore par deux endroits magnifiques mais cette fois, je décidai de revenir les visiter ultérieurement.

Finalement, j'arrivai à TSAOLING. Ses 980 m de haut ne décrivaient que très partiellement l'endroit.
Ce que j'ignorais avant d'arriver c'est que TSAOLING se trouvait au milieu de gigantesques gorges et bien qu'il s'agisse, en effet, d'une sorte  de butte de 980 m, celle-ci était encastrée de part et d'autre par des montagnes de 3000-4000 m de haut.

Je tombai immédiatement amoureux de ce paysage stupéfiant, si bien que je redescendis en ville afin de réserver une chambre d'hôtel.
Sur la route j'aperçus un superbe petit temple.

Lorsque Tink était avec moi, j'attirais immanquablement une foule de gens et bien que cela puisse être un peu fastidieux parfois (comme par exemple de répondre 100 fois à la question "est-ce qu'il parle ?"), je restai courtois et tentai de leur expliquer comment prendre soin d'un perroquet au cas où cela leur traverserait l'esprit dans le futur. Ils se souviendraient peut-être de Tink et moi.

C'était juste après le diner et j'allais rejoindre ma chambre avec Tink, lorsqu'une femme s'approcha de moi pour me dire qu'elle avait adoré me voir faire faire des rappels à Tink. Je hochai la tête poliment.
Elle m'invita alors à venir chez elle, me disant qu'elle possédait aussi des oiseaux.
Je me dis en moi-même que cela ne m'intéressait pas tellement de voir des oiseaux en cage, probablement détenus dans des conditions déplorables et je réfléchissais à la manière de décliner son invitation avec le plus de tact possible.
Mais elle était assez insistante, disant que sa  maison était à 2mn.
Je la suivis à contre-cœur, me disant que je m'éclipserai après un court moment, en m'excusant.

Lorsque j'entrai dans la maison, je fus stupéfait de voir son mari devant une cage ouverte ou se trouvait une belle petite grive qu'il était en train de nourrir à la main.
Il se présenta. Il s'appelait M. LIN et il me dit qu'il avait également beaucoup aimé les rappels qu'il m'avait vu faire avec Tink, plus tôt dans l'après-midi.
La grive s'envola lorsque je m'approchai mais elle revint immédiatement au signal de M. LIN qui finit de la nourrir.

Une gélinotte courrait sur le sol et faisait des petits bons et quelques battements d'ailes pour monter sur une chaise et en redescendre aussitôt.
Ces oiseaux semblaient très à l'aise avec M. LIN.
Nous avons eu une longue et intéressante conversation. Il m'apprit que tous ces oiseaux étaient sauvages.
Il était apparemment très connu en ville pour sa capacité à prendre soin des oiseaux et autres animaux blessés.
Il me dit que la grive était toute jeune lorsqu'elle s'était assommée contre une fenêtre et lui avait été amenée. Elle était avec lui depuis plus d'un an.
Elle pouvait voler dans toute la maison, portes et fenêtres ouvertes, elle sortait mais revenait chaque soir.

La gélinotte avait été trouvée piégée dans une énorme flaque d'eau. Sa mère avait pu se sauver mais la petite, incapable de s'envoler lui avait été amenée et était avec lui depuis maintenant deux ans.
Je fus carrément bluffé lorsqu'il m'appris que, comme la grive, la gélinotte rentrait et sortait à sa guise.

Il me dit joyeusement que les gens trouvaient qu'il traitait la faune sauvage d'une manière un peu "différente".
Nous avons ri en pensant qu'il y avait réellement un lien qui nous unissait dans notre façon d'appréhender notre relation avec les animaux.

Par contre, il m'était de loin supérieur. Ces oiseaux étaient complétement sauvages, contrairement à la plupart de nos oiseaux de compagnie qui sont de plus en plus souvent nés en captivité et donc plus ou moins habitués à l'homme.
Et malgré cela, il avait réussi à développer des liens incroyables avec ses oiseaux, au point qu'ils le suivaient partout dans la maison.
Ils avaient la possibilité de partir mais ils avaient choisi de rester avec lui.

J'aurais dû lui demander comment il faisait pour les "entrainer". Je le ferai la prochaine fois que je reviendrai.
Lors de notre conversation, ce qui me frappa le plus, ce fut son extrême douceur avec les oiseaux et son insistance à propos de l'importance de comprendre leur ressenti.
Alors, au lieu de parler "entrainement" comme je l'aurais voulu, nous avons parlé de "sentiment animal".

Il insista aussi sur le  fait qu'il n'avait jamais eu l'intention de garder ces oiseaux. Sa seule préoccupation était de les aider à récupérer et de leur rendre leur liberté. Bien sur, s'ils voulaient rester, ils étaient les bienvenus.

Pendant que nous parlions, un étourneau d'un bleu brillant sautillait et volait au dessus de nous entre les poutres du plafond.
Il me dit que cet étourneau était très timide et méfiant et que ma présence et celle de Tink l'empêchait de descendre.
Celui-ci venait  également d'une malencontreuse collision avec une fenêtre.
Puis, il me présenta deux tout petits oiseaux qui voletèrent vers lui au moment où il ouvrit la cage pour venir prendre chacun leur tour de la nourriture d'une seringue.
Il me dit qu'il avait aussi eu de magnifiques pies bleues de Taïwan, des faucons et même des aigles qui avaient repris leur liberté.

Il y avait aussi ce petit écureuil qui courrait partout et un peu trop curieux à mon gout à l'égard de Tink.
D'un commun accord, nous avons pensé qu'il fallait mieux l'éloigner.

Il se faisait tard et je dus partir à regret.
J'étais heureux, j'avais rencontré un véritable "chuchoteur à l'oreille des oiseaux": M. Lin de TSAOLING.

La prochaine fois que je viendrai, je lui ramènerai un clicker et je pourrais peut-être lui apprendre ce que je savais du clicker training et en même temps, prendre ce que je pourrais de ses trésors de savoir.
Souriez, demain sera pire !!

kétile

#1
Le lendemain matin, je décidai de poursuivre ma découverte de la région, autant que possible avec un réservoir à moitié plein et pas de station service dans le secteur.
Alors que nous descendions vers un magnifique pont, j'aperçus une petite route qui passait sous ce pont, tout au fond de la gorge.
Cette route menait à un sentier qui menait lui-même à une bicoque au milieu de nulle part où l'on servait à boire aux gens qui avaient fait tout ce chemin pour profiter de tous ces splendides panoramas.

Pour ma part, à cet instant, je n'étais pas tant intéressé par la vue que par cet immense espace sans arbres qui m'était offert, afin de faire voler Tink sur une longue distance.
J'arrêtai la moto et pris Tink sur mon épaule pour aller faire un tour sur les lieux.
Une petite fille de deux ans environ m'approcha et commença à me coller comme une bernique et lorsque je posai Tink sur un rocher pour faire un simple rappel, la petite se dirigea directement vers elle. Ce petit pot de colle commençait à m'agacer.
Je repris Tink pour essayer un autre endroit mais la petite continuait de me suivre. Alors, je repris la moto pour aller 50m plus loin et voir la gamine suivre la moto.
Je regardai au loin et vis un petit ruisseau qui serpentait au milieu des rochers ainsi qu'une vaste étendue d'herbe avant que la montagne ne recommence à s'élever.

Tink était sur mon bras gauche et je tenais la bobine à laquelle était enroulée la ligne attachée à son harnais de la main droite.
La beauté de l'endroit provoquait une sorte d'euphorie. Je sentais qu'il était temps de faire faire à Tink ce vol dont je rêvais. Ainsi convaincu, je visualisai dans ma tête le vol de Tink faisant une grande boucle pour redescendre vers moi et venir me mordiller gentiment l'oreille.

Je pliai mon  bras gauche et dis à Tink: "vole! vole! vole!".
Je fus enchanté de la voir prendre son envol et s'éloigner dans de puissants battements d'ailes.
La bobine autour de laquelle était enroulée la ligne fonctionnait à merveille et je la passai dans ma main gauche.
Tink devenait de plus en plus petite et je m'aperçus avec effroi que la ligne de 100m diminuait à toute vitesse.
Je me dis que je ferais mieux de tirer légèrement sur la ligne et changeai à nouveau la bobine de main pour la remettre dans ma main droite.
Je me rendis compte avec inquiétude que Tink ne sentait pas du tout ces accoups. La ligne continuait à se dérouler et Tink continuait de s'éloigner.

Tout à coup, je ressentis une brulure intense à la main. La douleur fut si forte que je regardai au sol, m'attendant à voir mes doigts s'y tortiller comme des queues de lézards. Puis, je regardai ma main, surpris d'y trouver tous mes doigts.
Le cri que j'avais poussé aurait effrayé n'importe qui, il fut suivi par une bordée des injures les plus fleuries de mon vocabulaire, dans plusieurs langues différentes.
Apparemment, cela n'avait pas effrayé cette petite fille qui me regardait avec des yeux grands ouverts d'étonnement.

Tink avait du faire demi-tour mais dans cette confusion mêlée à la douleur, je me rappelle avoir rattrapé la bobine, fait un pas et buté sur une pierre.
La dernière fois que j'avais aperçu Tink, elle était en train de tourner. Maintenant, la ligne gisait dans les herbes et Tink avait disparue.
Je pensai soudain aux chats sauvages, aux lézards carnivores et autres T-Rex, réels et imaginaires, se dirigeants vers ma douce et délicieuse Tink.
Le petit ruisseau que j'avais cru apercevoir était en fait une vraie rivière et les petits rochers, des rocs plus hauts que moi que je devais escalader en courant et en suivant la ligne dans l'espoir de trouver ma pauvre Tink au milieu de ces herbes haute et denses.

Une fois que Tink fut en sécurité sur mon épaule et la ligne ré-enroulée autour de la bobine, je m'en revins à la moto, désireux de m'éloigner du théâtre de ce désastre total.
Une fois de plus, grâce à mon infaillible sagesse rétrospective, je savais que j'avais tout faux.

"Fly! Fly! Fly!" comme signal n'avait été tenté qu'une seule fois à la maison et sans succès qui plus est.
Tink avait volé jusqu'à son perchoir au lieu de revenir se poser directement sur moi.
Même lors de petits vols de routine, je testais l'envie de Tink par de petits rappels faciles, de 2 à 5m. Et avant même ces petits rappels, je lui laissais toujours une dizaine de minutes afin qu'elle jette un œil autour d'elle, histoire de l'habituer un minimum à l'endroit.
J'avais oublié toutes ces règles élémentaires de sécurité dans mon euphorie stupide à la vue de cette immense plaine.
J'avais tout simplement oublié que je n'était pas Tink et que ses sensations n'étaient pas les miennes.
Je n'avais pas réalisé non plus qu'un oiseau pouvait tirer si fort sur une ligne, même avec 100m d'élan.
Je m'étais, en plus, laissé distraire par ce bébé de 2 ans, dans la mesure où j'avais oublié toutes les mises en gardes sur lesquelles je pontifie ça et là à longueur de temps.

J'étais punis par 2 doigts brulés et j'avais appris quelques gros mots à une petite fille de 2 ans dans au moins 3 langues différentes.
Heureusement, Tink n'avait rien et grâce au harnais elle était toujours là et en la regardant, je prenais encore plus conscience de ma stupidité.

"Fly! Fly! Fly!" ne serait plus essayé en extérieur avant que Tink ait parfaitement compris ce signal à la maison.
J'ai donc continuer a tenter de lui faire comprendre ce signal à l'intérieur mais Tink l'interprétait en faisant des vols acrobatiques de plus en plus fantastiques à la maison. Elle pouvait faire 2  tours de la pièce en volant ou bien faire un tour, changer de sens et refaire un tour, passer en trombe devant moi et m'effleurer de ses ailes.
Mais si je lui disais ce signal alors qu'elle était sur ma main, elle ne faisait que s'envoler droit vers son perchoir.

Toute cette histoire avait eu lieu lors d'un week-end prolongé. Je ne  travaillais ni le lundi ni le mardi suivant.
Nous devions normalement nous rendre dans un complexe de bains et de sources chaudes, à CHISENG, sur la côte est de Taïwan, à condition que cet endroit existe toujours après le tremblement de terre de 6.6 sur l'échelle de Richter qui avait touché cette zone hier après-midi.
La secousse avait été ressentie jusqu'à CHIAYI.

Il se passe toujours quelque chose à Taïwan.
Souriez, demain sera pire !!

kétile

Depuis que j'étais allé à TSAOLING en ce week-end de novembre 2003, que j'avais rencontré M. LIN et que j'avais été frappé par la beauté rude et accidentée de cet endroit et de ses environs, je voulais y retourner.
Je voulais aussi ramener à M. LIN un clicker en cadeau et lui expliquer le principe du clicker training.

Lorsque ma femme, Joy, revint du Royaume Uni après un long séjour sous prétexte d'aller voir le nouveau né de son petit frère, je me dis que j'allais l'emmener à TSAOLING.
C'est alors que nous vîmes de flyers et des affiches annonçant un rituel annuel dans les montagnes d'Alishan. Un orchestre y jouerait ses notes et ses refrains dès les premières lueurs de l'aube, accompagné d'une bande de percussionnistes et chanteurs issus des tribus indigènes de Taïwan.
Mes plans pour le week-end de Noël 2004 étaient ainsi en train de se mettre en place.
Alishan n'était pas très loin de TSAOLING et les deux endroits pouvaient être visités le même week-end.
Il me manquait juste un début d'excuse pour partir et j'avais justement une foule de bonnes excuses pour profiter de ce long week-end.

La dernière fois que je m'étais rendu à TSAOLING, j'étais seul avec Tinkerbell sur le scooter. Cette fois, avec Joy, je savais qu'après la longue montée, avant de redescendre vers TSAOLING, le réservoir du scooter serait déjà à moitié vide sans aucune station aux alentours.
Explorer les petites routes et les endroits cachés serait alors très risqué sans savoir si nous trouverions une pompe à essence pour refaire le plein.
Il faisait aussi plus froid en cette fin décembre.
Je fus immédiatement d'accord avec Joy que louer une voiture serait beaucoup plus confortable, plus rassurant et plus chaud pour Tink et nous-mêmes.

Joy me demanda de quelle carte nous avions besoin. Je lui répondis de ne pas s'inquiéter, que je connaissais l'endroit comme ma poche.
J'avais fait plusieurs virées dans cette zone et je m'étais sérieusement perdu la dernière fois, en revenant. J'avais découvert plein de petites routes, ce qui me donnait une confiance raisonnable dans le fait que je connaissais cet endroit plutôt bien...
Si l'échelle de la carte était assez petite pour que l'on y voit entièrement la chaine de montagnes, elle serait trop petite pour que toutes les petites routes puissent y figurer.
Les routes de montagne, à Taïwan comme ailleurs, ont cette particularité qu'on ne les trouve pas lorsqu'elles sont indiquées sur la carte mais pour compenser, on trouve des routes qui ne sont pas sur la carte.
Je dis à Joy avec une certaine désinvolture de prendre notre carte du comté de CHIAYI.

Enfin, le matin du 25 décembre, je fis le plein de la voiture de location.
Je pensais arriver en début d'après-midi à TSAOLING, ce qui nous laisserait pas mal de temps pour profiter de l'endroit.
Le voyage commençait bien. Nous venions de sortir de CHIAYI, nous avions emmenés nos CD préférés que nous n'avions pas souvent l'occasion d'écouter.
Tink était perchée, l'air joyeux, sur son panier de voyage aux côtés de Joy, regardant par la fenêtre défiler le paysage et s'entrainant à répéter les mots et les sons qu'elle connaissait.
Nous avions traversé les zones urbaines et commencions à grimper par les routes de montagnes.
J'arrivai à une fourche. Une route montait et l'autre descendait. Normalement, j'aurais dû continuer sur celle qui montait pendant environ 2 km avant qu'elle ne commence à descendre pour rejoindre une route plus importante qui menait à TSAOLING.
J'estimai que nous étions à environ 45 mn du but.
Je me dis que la route qui descendait était certainement celle que nous devions rejoindre plus tard et qu'en la prenant nous gagnerions du temps et arriverions plus tôt à TSAOLING.
Cette route descendait encore et encore.
Après une demi-heure, je commençais à me sentir vraiment mal à l'aise mais je continuais à espérer rejoindre un croisement que je reconnaitrais.
Les commentaires innocents de Joy selon lesquels le paysage semblait plutôt plat pour une zone montagneuse, ne contribuaient pas à me redonner de l'assurance.
Je tentai de consulter la carte que nous avions et je reconnus, bon joueur, qu'une carte inexacte était mieux que pas de carte du tout.
Bien que TSAOLING et ALISHAN se trouvent dans le comté de CHIAYI, cette zone était aussi à cheval sur deux autres comtés, YULIN et NANTOU. Tous si férocement fiers que seules leurs routes respectives figuraient sur leurs cartes, cartes que, bien sur, je n'avais pas.
Si l'on regardait le bon côté des choses, nous avions pas mal d'excellents CD à écouter et un réservoir plein d'essence.
Souriez, demain sera pire !!

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Nous arrivâmes à TSAOLING tard cet après-midi là mais j'avais découvert un incroyable complexe de routes secondaires, tel que je ne l'aurais jamais imaginé.
Nous avons réservé une chambre d'hôtel puis nous avons pris le chemin de la maison des LIN afin de renouer connaissance et de leur présenter Joy.
M. LIN fabriquait de l'huile de thé et conduisait aussi un minibus qui dans ce magnifique endroit mais il n'y avait plus beaucoup de touristes à TSAOLING depuis l'énorme tremblement de terre qui avait eu lieu quelques années auparavant.
Je pensais les inviter lui et sa femme à dîner.

Ils étaient tous deux chez eux et furent enchantés de nous voir comme je le fus de les revoir.
Les oiseaux n'étaient pas là, ce qui attrista Joy.
Il sourit, sortit par la porte ouverte et appela à l'extérieur. 2 oiseaux vinrent se poser à l'entrée sur une pancarte écrite à la main qui disait, en chinois, que dans cette maison on soignait les oiseaux et autres animaux blessés.
A peine une minute plus tard, un bambusicole de Chine (Bambusicola thoracica), sorte de perdrix que j'avais pris pour une gélinotte la 1ère fois, suivie de près par ce que j'avais appelé une grive et qui était en fait un pomatorhin à col roux (Pomatorhinus ruficollis), entrèrent dans la maison.
Bien que je les ais déjà vu, je fus fasciné de voir ces oiseaux sauvages appelés du salon, répondre immédiatement.
Joy était absolument captivée par cette vision.

Mr LIN prépara le thé, ce qui est quasiment obligatoire à Taïwan.
Nous avons commencé à discuté et il nous sortit un livre sur les oiseaux, imprimé en chinois mais avec les noms latins scientifiques. C'est ainsi que je sus enfin de quels oiseaux il s'agissait.
Je fus déçu de ne pas voir les 2 petites fauvettes à gorge blanche (abroscopus albogularis) que j'avais appelé les 2 touts petits oiseaux la dernière fois.
Mr LIN nous appris qu'ils n'étaient plus revenus depuis environ 2 semaines.
La magnifique grive musicienne de Formosan (myophoneus insularis) que j'avais pris pour un "étourneau d'un bleu brillant" était toujours là et toujours très timide.

Lorsque je lui fis remarquer qu'il était vraiment très fort avec les oiseaux, il me répondit que son charme ne fonctionnait pas à chaque fois.
Il nous raconta l'histoire d'une tourterelle émeraude (chalcophaps indica) qu'il avait soignée mais qui avait été trouvée par sa femme. Lorsqu'il haussait le ton contre son épouse, la tourterelle volait sur l'épaule de sa femme et prenait le parti de celle-ci en râlant sur lui.
Cette tourterelle était restée très attachée à sa femme jusqu'à ce qu'un jour, elle s'en retourne à la vie sauvage.
C'était une histoire si charmante que je lui dis que j'étais désolé que cette tourterelle ne soit plus là.
Il me demanda lors pourquoi étais-je désolé alors que cet oiseau, bien qu'il ne soit plus à la maison, nichait dans un arbre aux alentours.
Le matin suivant, il nous montra le  nid et nous dit que lorsque la saison de reproduction commencerait, la tourterelle serait là. (Comme c'était bien d'avoir Joy avec moi cette fois pour prendre des notes, et tant pis si elle n'acceptait pas de marcher 5 petits pas derrière moi.)

A un moment, je repensai au clicker que j'avais emmené. Je le sortis et lui montrai.
Je lui expliquai en détail à quoi cela servait, je commençai par lui montrer comment conditionner l'oiseau au clicker grâce à une récompense, lui expliquai l'importance de l'emploi du clicker au moment précis où l'oiseau faisait ce qui lui était demandé, parlai du fractionnement de l'exercice global en petites étapes afin de guider l'oiseau jusqu'à l'action désirée.
Je lui parlai aussi de l'utilisation du clicker avec la cible, tout en dégustant son excellent thé chinois.
Il m'écoutait attentivement et moi je m(enflammait, parlant et détaillant toujours plus les infinis avantages de ce merveilleux instrument.
Puis, je lui tendis solennellement le clicker, lui demandant d'accepter ce modeste présent comme gage de mon admiration pour lui.
Il parut si content que j'en fus flatté.
Il pressa le clicker et donna une récompense à la perdrix et au pomatorhin à col roux qui se tenaient près de lui. puis, il dit d'un air songeur "ah,  c'est comme ça que ça marche ?" tout en clickant et re-clickant à tour de bras.
J'étais complètement désappointé, je pensai à un moment faire un geste pour reprendre le clicker afin de lui expliquer à nouveau l'usage qu'il convenait d'en faire.
C'est alors qu'une histoire que l'on m'avait racontée il y a bien longtemps me revint en mémoire et l'embarras et la honte arrêtèrent mon geste.

Un grand professeur décida, un jour, d'aller faire un tour en bateau sur un lac. Il passa près d'une petite île d'où s'échappait un chant "aiyinga aiyinga aiyinga". Il savait que le chanteur était en train de s'adonner à un certain rituel qui, si il était fait correctement, apporterait au chanteur une force surnaturelle qui lui permettrait, entre autre, de marcher sur l'eau.
Dans un élan de bonté, le professeur accosta et chercha le vieil homme qui était en train de chanter. Lorsqu'il le trouva, le grand professeur dit au vieil homme qu'il se trompait en récitant le mantra, qu'il devait chanter "aiyinlinga aiyinlinga aiyinlinga". Le vieil homme fut ravi qu'un professeur si éminent lui prête attention et il corrigea immédiatement son chant après avoir remercié  abondamment le professeur. Ce dernier, content de lui, remonta dans son bateau et s'éloigna de l'île en écoutant le sempiternel refrain "aiyinlinga aiyinlinga aiyinlinga".
Après quelques instant, il entendit "aiyinga aiyinga aiyinga" à sa grande déconvenue. Oh, tant pis, se dit il, j'ai essayé mais de toute évdence ce vieil homme est bien moins intelligent que ce que je pensais. C'est alors qu'il entendit des pas rapides derrière lui, il se retourna et à son grand etonnement, il vit le vieil homme venir vers lui en courant sur l'eau et en criant: maitre, maitre, revenez s'il vous plait et redites moi correctement le mantra.
Souriez, demain sera pire !!

kétile

#4
Je me levai pour ramasser une crotte de Tink. Je ressentait une certaine sécurité à sortir Tink avec son harnais.
Les pensionnaires de Mr LIN sortaient dehors pour faire leurs besoins et rentraient pour jouer avec lui.
Ils venaient de l'extérieur lorsqu'il les appelaient.
Tink venait quand je l'appelait si et seulement si elle en avait envie.

LIN, lui, était là, nous resservant du thé, "ses" oiseaux virevoltant autour de lui et venant chercher une caresse de temps en temps.
Je me sentais comme ce grand professeur lorsque le vieil homme l'avait rattrapé en courant sur l'eau.

Les connaissances et l'habileté de LIN dans sa relation avec ces oiseaux ainsi que concernant le rappel étaient tellement supérieures aux miennes qu'elles ne souffraient aucune comparaison.
Et pourtant, quelques instants plus tôt, je tentais de lui enseigner comment utiliser le clicker afin de renforcer les liens avec l'oiseau et de l'entrainer au rappel.

Je continue de croire fermement aux avantages du clicker training mais celui-ci ne vaut rien sans les autres éléments subjectifs que sont l'amour et la patience qui vont avec.
Il y a ce vieux dicton zen que nous devrions sans doute garder à l'esprit et qui dit que le fou regarde le doigt qui montre la lune au lieu de regarder la lune.

Je n'était pas encore au bout de mon embarras.
J'avais l'intention de les inviter, lui et sa femme, à diner avec nous.
C'est alors que je me rendis compte que sa femme n'était plus avec nous. Elle était sortie silencieusement pour aller abattre un poulet de leur basse-cour et était en train de mous préparer un fantastique diner.
Elle utilisait cette huile de thé qu'ils faisaient pousser et pressaient eux-même, destinée à être vendue aux touristes.
Lorsque je fis remarquer combien ce diner cuisiné dans cette huile était succulent, il m'obligea immédiatement à accepter une bouteille de cette denrée aussi rare que chère, comme présent.
Refuser ce cadeau aurait causé une grave offense.

Nous sommes rentrés à l'hôtel après avoir terminé sa bouteille de vin chinois très parfumé.
Souriez, demain sera pire !!

kétile

#5
Le matin suivant, nous avons pris notre petit déjeuner au village avant de retourner chez les LIN.
Les gens croisés nous saluaient, ils semblaient savoir que nous avions diné chez eux et que nous y retournions.
Je voulais prendre des photos de M. LIN avec ses oiseaux, en plein air et à la lumière du jour.
Dehors, les oiseaux retrouvèrent leur instinct sauvage et se montrèrent très timides, préférant rester dans l'ombre ou à couvert.
Cela lui prit un certain temps mais M. LIN finit par réussir à les attirer afin que je prenne quelques photos.

Puis, nous avons repris la route qui descendait au fond de la vallée. Nous nous sommes arrêtés à un charmant petit temple zen. Joy voulait y venir depuis qu'elle avait vu les photos que j'avais faites la  fois précédente.
Nous sommes ensuite allés à l'endroit de ma désastreuse rencontre avec la petite fille. A mon grand soulagement, elle n'était pas là cette fois.
Je décidai de ne pas recommencer l'expérience de la dernière fois et me contentai de demander quelques rappels à Tink.

La dernière fois que j'étais venu ici, j'avais dû faire demi-tour car le réservoir du scooter était à moitié vide et il n'y avait pas de station service aux alentours.
Avec la voiture, nous avons pu poursuivre la découverte de ces magnifiques gorges avant de remonter vers la montagne d'Alishan où nous avions décidé de passer la nuit afin de saluer et le jour et d'assister au rituel traditionnel qui devait avoir lieu le matin suivant.
Après avoir réservé une chambre dans un hôtel, nous avons pris Tink avec nous pour aller nous promener dans la forêt toute proche.

Vu la foule présente sur place, nous n'étions visiblement pas les seuls à être venus pour ce lever de soleil du lendemain au son des musiques traditionnelles.
De nombreuses personnes déambulaient dans le parc, certaines d'entre elles s'arrêtaient pour regarder Tink répondre à quelques rappels.
C'est alors que je remarquai de grandes formes sombres, au-dessus de nous dans les arbres.
Les corbeaux de la jungle Taïwanaise étaient énormes, plus proches de la taille d'un BG que de celle d'un gris.
Je n'aimais pas du tout la façon dont ils attendaient, comme à l'affut. Lorsque nous partîmes, les ombres nous suivirent.
Sur le chemin de l'hôtel, je plaçai Tink sur mon bras de façon à ce qu'elle soit protégée par mon corps.

Le matin suivant, nous nous levâmes à 4h30.
Tink était sur mon épaule, dans son harnais, sur le chemin de la gare où nous devions prendre le train qui nous mènerait au "pavillon du lever du soleil".
Le paysage était blanc de givre et le sol craquait sous nos pas pendant que nous parcourions les 500m qui nous séparaient de la gare.

Cette matinée promettait d'être parfaite pour admirer un lever de soleil. Le temps était clairs et les étoiles scintillaient encore au dessus de nos têtes.
Alors que nous approchions de la gare, je réalisai avec un léger pincement au coeur, que j'aurais du prendre la cage de transport de Tink.
Il n'y avait pas trop de monde tout à l'heure mais alors que nous convergions vers le même endroit, la foule devenait plus dense. En me retournant, je vis que nous étions suivis par encore plus de gens, tous en route vers la gare.
Nous ne pouvions prendre la voiture étant donné que celles-ci étaient interdites dans le parc.
Je pensai à un moment marcher les 4km qui nous séparaient du site mais vu le nombre de personnes présentes, je me dis que le voyage à pied nous prendrait plus de temps et l'idée de regarder le lever de soleil, en marchant, par dessus la tête des gens,ne me disait rien.
Quant à l'idée d'avoir Tink sur l'épaule au milieu de la foule, cela ne me disait rien du tout non plus.
A regrets, nous décidâmes d'abandonner ce lever de soleil rituel.

Ils ne nous arrivait pas souvent d'être levés à 4h30 du matin. Nous avions plutôt tendance à nous coucher tard et à nous lever tard.
Je savais que nous n'aurions peut-être pas l'occasion d'admirer un lever de soleil de si tôt.

Nous avons rapidement rebroussé chemin, repris nos affaires à l'hôtel, puis nous sommes remontés en voiture pour nous rendre à TATAJIA, distant de 15km, dans le but de trouver un endroit tranquille pour admirer ce lever de soleil derrière le sommet des montagnes.
Il faisait encore sombre et les accotement de la route étaient blancs de givre. Je conduisis prudemment.
L'endroit auquel je pensais était idéal pour attendre le soleil.
Nous sommes sortis de la voiture pour attendre. J'avais laissé la musique.
Il semblait bien que nous allions pouvoir profiter pleinement, et seuls, du spectacle.

Le ciel d'un violet profond s'éclaira lentement, tirant vers le rose et le rouge. Le décor noir et blanc prenait de la couleur à mesure que le soleil se levait.
Juste au moment où je me disais que le ciel était bien clair bien que le soleil ne soit pas encore apparu, je fus surpris par le sommet des montagnes soudain baignés de soleil.
Je trouvai cela étrange et c'est alors que je réalisai pourquoi c'était si étrange. La seule solution pour que ces montagnes soient éclairées était que le soleil brille sur elles et non derrière elles.
Les amis, regarder vers l'ouest n'est pas la meilleure façon d'admirer un lever de soleil.
Ces routes de montagnes qui tournent sans arrêt additionné au fait qu'à chaque fois que j'étais venu, le ciel était gris et brumeux ou le soleil trop haut pour pouvoir se repérer efficacement.
Je comprenais mieux maintenant pourquoi nous étions seuls dans ce magnifique endroit. Nous faisions face à l'ouest pour attendre ce lever de soleil.

Nous avons repris la voiture et rebroussé chemin sur la route sinueuse. D'un seul coup, nous fûmes replongés dans une foule immense qui regardait en l'air. Je me dis qu'ils attendaient tous cet insaisissable lever de soleil.
Lorsque nous sommes sortis de la voiture, nous avons vu tous les yeux se braquer sur nous. Je suppose qu'ils n'avaient jamais vu de perroquet sur l'épaule de quelqu'un alors que pour voir un lever de soleil, il suffisait de se lever suffisamment tôt et de regarder dans la bonne direction.

C'est ainsi que se déroula ce week-end.
Souriez, demain sera pire !!

kétile

La dernière fois que nous avions vu mon "chuchoteur de TSAOLING", il nous avait invités à diner Joy et moi.
Je m'étais promis de lui ramener une bouteille de Drambuine la prochaine fois que je reviendrai.
Puis, je me dis que je ne pouvais pas lui ramener une bouteille et l'ouvrir pour la boire avec lui. Il fallait que j'apporte deux bouteilles, une pour lui et une pour boire ensemble.

Nous nous rendîmes là-bas une nouvelle fois le 24 juillet 2004.
Je rassurai Joy en lui promettant de ne pas tenter de raccourci cette fois-ci.
Après cette promesse, nous prîmes la moto avec Tinkerbell.
L'incroyable déluge du 2 juillet (2700mm d'eau étaient tombés en quelques heures) avait dû causer d'importants dommages dans la région.

J'avais repéré une station service dans le secteur de TSAOLING qui nous permettrait de refaire le plein et d'éviter ainsi la parano de la panne d'essence.

Nous arrivâmes beaucoup plus tôt cette fois.
Nous avons réservé un hôtel en ville puis j'appelai M. LIN afin que nous nous voyions plus tard dans la soirée.

Nous décidâmes ensuite d'aller voir cette plaine en contrebas où j'avais eu cet incident avec Tink.
Si vous vous souvenez, la route se transformait en sentier qui menait à une cabane où l'on vendait à boire aux touristes.
Aujourd'hui, la route finissait brutalement. Quant au sentier et à la cabane, ce n'était plus que des souvenirs.
Je fis faire quelques rappels à Tink pour lui dégourdir les ailes.

Dans la soirée, nous sommes retournés chez les LIN qui devaient nous présenter leur fils.
Je fus surpris de voir qu'il y avait deux pomatorhins à col roux (pomatorhinus rufficollis) qui volaient aux alentours.
M. LIN m'expliqua qu'il avait effectué deux nouveaux sauvetages trois mois plus tôt. Il y avait donc trois pomatorhins avant que l'un d'entre eux ne tombe dans les griffes du chat du voisin.

Je savais que j'étais plutôt bon avec les animaux en général et les oiseaux en particulier mais face à M. LIN, je ne faisais tout simplement pas le poids.
Certains d'entre vous sont peut-être impressionnés par le fait que je sorte Tink partout avec moi et que je la fasse voler dans toute sorte d'endroits mais j'ai besoin du harnais pour assurer sa sécurité et ma tranquillité.
LIN, mon ami chuchoteur à l'oreille des oiseaux possède des oiseaux sauvages qui viennent manger dans sa main, font leurs besoins dehors et rentrent à nouveau pour jouer avec lui. Son niveau avec les oiseaux est bien loin au-dessus du mien. 

Je n'osai lui parler de clicker training ni d'aucune forme d'entrainement afin de ne pas me retrouver dans l'embarras de la dernière fois.
Nous concentrâmes donc notre attention sur la bouteille de Drambuie. Nous sommes parti très tard ce soir là, regrettant que les heures passent si vite.

Depuis un gros tremblement de terre il y avait quelques années, un énorme morceau de montagne s'était effondré près de TSAOLING, formant par la suite un lac qui était devenu un spot à touristes. Le matin suivant, nous  avons conduit la moto jusqu'à cet endroit pour découvrir que le lac avait disparu. Le dernier déluge avait creusé un chenal à l'endroit de l'ancien glissement de terrain, un peu comme si l'on avait retiré la bonde de la baignoire.


Souriez, demain sera pire !!

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